Encore un long billet, j'ai pas réussi à plus résumer !
Nous avons laissé les Cévènnes, puis fait une escapade sur le plateau du Larzac, nous attaquons maintenant le massif du haut Languedoc, à partir de Lodève.
Ça n'a pas été facile de quitter le vallon poétique, et de reprendre la route avec toutes les incertitudes, les angoisses et les tensions qui la jalonne. Évidemment, c'est aussi tout cela qui en fait la richesse, l'inconnu, le hasard des rencontres, la beauté de l'instant, et même toutes les difficultés rencontrées donnent une saveur particulière à ces jours d'été qui s'écoulent. La tentation est grande de prolonger encore et encore notre halte dans cet oasis de tranquillité. Tout prétexte est bon pour cela. Le marché du dimanche matin à Ste Croix, la facilité d'avoir un point fixe pour permettre, le lundi, à mon ami Thomas de nous rejoindre depuis Rennes pour quelques jours de voyage, puis l'opportunité de lui faire découvrir le lieu et de se poser le mardi avant le vrai départ.
Si bien que finalement, ce n'est que mercredi matin que nous avons traversé une dernière fois la passerelle du vallon, pour affronter de nouveau le terrible relief des montagnes Cévennoles. Après une consultation assidue des cartes IGN du coin, la solution la plus simple pour rejoindre mon itinéraire d'origine est de faire exactement le chemin inverse, quasiment jusqu'à Aire de Côte, puis bifurquer par un GR pour rejoindre le Vigan, d'où on reconnectera sur mon tracé.
C'est donc en trio que nous remontons les pentes de la Vallée Française, et nous en profitons pour passer chez Gis'aile, que nous avons croisée dans la montée, et qui en nous attendant chez elle a préparé un délicieux jus de framboise-brunion maison. Merci encore !
Sur les coups de midi nous arrivons au sommet, et cassons la croûte en contemplant la Vallée Borgne que nous allons devoir traverser. En descendant dans la forêt de châtaigniers, je transforme un jeune arbre en bâton de marche pour Thomas, qui peinait à en trouver un solide parmis les branches mortes. Le brandissant comme un bâton de magicien, il décide de prendre aussitôt le surnom très peu flatteur de Glandoulf le Gras
Les nuages noirs s'accumulent, et c'est dans le dernier kilomètre de la descente qu'on commence à faire se faire rincer. Arrivés en bas, on entame aussi sec (façon de parler) le montée. On arrive, pour la quatrième fois, Korrigan et moi, au Col de Quiniou, le fameux col honni (etc, etc..) J'avais pensé le matin pouvoir atteindre Vallerauges, mais nous sommes partis tard, à 10h30, et avec la pluie, la montée et la fatigue, il apparaît plus sage de faire étape au gite de Paolo, 2kms plus bas. Je l'appelle pour savoir si il y a de la place. Il y en a, le gite est vide, et pour cause : Paolo est en déplacement. Et une fois de plus, merci ! Car il nous invite à s'installer au gite, même en son absence. Nous y allons donc, et une douche chaude, une cuisine et un bon lit après 2h de déluge orageux, c'est indéniablement agréable, même si ça constitue pour moi un changement brutal avec la semaine écoulée à l'Ourjol, à dormir dans les arbres, cuisiner au feu de bois, et me laver dans la rivière.. La pluie ne cessera que vers 20h.
Le lendemain, nous quittons le gîte (dommage de ne pas avoir pû te recroiser Paolo), remontons les 2kms jusqu'au col du Quiniou (5ème et dernière fois), et reprenons le chemin jusqu'à Valleraugue, où nous arrivons pour la pause du midi. Nous partons à l'assaut de la nouvelle montagne qui s'offre à nous. J'ai prévenu Thomas que la montée allait être rude, mais je n'ai pas précisé le dénivelé tout de suite. En fait, partis de 550m le matin, nous sommes montés à 1000m pour redescendre à 350m (Valleraugue), et nous remontons à près de 1300m. La montée est longue, et de plus en plus difficile. Non pas pour Thomas qui, sans entrainement, se débrouille très bien, mais pour Korrigan qui peine sur les rochers glissants. Il dérape plusieurs fois, s'arrête aussi régulièrement pour reprendre son souffle, je sens qu'il fatigue. Il chute à un moment, et reste coincé, allongé sur le ventre, les antérieurs repliés entre 2 rochers. Il n'est pas coincé ni blessé, mais simplement plus la gniaque pour se relever. Avec Thomas, et Rémi, un breton que l'on a croisé égaré sur le chemin, nous le soulageons des sacoches latérales qui sont transportés au delà du passage délicat. J'aide Korrigan a se relever, et c'est reparti. Brave Korrigan !
Le chemin devient enfin plus praticable, il est temps car l'orage s'abat sur nous, et la pluie détrempe les pierres et nos ponchos. Enfin nous arrivons au sommet, l'averse cesse, la lumière est belle. Nous retrouvons le compère de Rémi, qui avait pris de l'avance et semé son ami. C'est donc à 5 que nous entamons la descente vers Le Vigan, qui est encore loin et à 250m d'altitude. Nous décidons avec Thomas de nous arrêter au gite de Cap de Côte, tandis que les 2 bretons continuent pour aller bivouaquer dans la forêt. Comme on peut camper gratuitement au pied du gîte, je plante la tente tandis que Thomas décide de prendre un lit. J'ai quand même la faiblesse de profiter de la douche chaude et de la cuisine. Le gérant du lieu est assez singulier, il refuse de mettre l'électricité au gite, pretextant qu'on y voit bien assez et que ce n'est pas la saison. On a quand même le droit à l'eau chaude.
Le lendemain, descente tranquille sur le Vigan, donc. Thomas commence à avoir mal au genou, l'étape d'hier a été rude. Ravitaillement (Korrigan se voit offrir un sac de carottes par l'épicière), puis café et vraie gelato al limone (faite maison) par un italien. Je pense que ses pizze, panini et légumes grillés doivent valoir le coup également. Mais on ne reste pas manger là, mais on s'arrête un peu plus loin, en bord de rivière. Évidemment, le Vigan étant tout au fond de la vallée, faut bien remonter, ma bonne dame. Encore 400m de dénivelé, assez raides encore une fois, mais sans trop de difficultés. Nous arrivons sur un plateau, Thomas a toujours son genou qui le fait souffrir (les montés ça va, les plats bof, les descentes sont terribles). Arrivés à Montardier, on nous conseille le gite municipal. A 7 € la nuit, avec douche chaude et électricité, on prend ! En même temps, sur ce plateau, il n'y a que des cailloux. Difficile de trouver un coin pour planter la tente.
Le lendemain, on se met en route pour le cirque de Navacelles. 20 minutes de marche plus tard, je m'aperçois que j'ai oublié la clé du gîte dans ma poche. Un kilomètre aller-retour en courant, ça réchauffe. Durant la matinée, Thomas décide d'arrêter la marche à Navacelles, son genou le faisant trop souffrir. Il y descend en navette, je l'y rejoint 30 minutes plus tard, à la terrasse d'un café, tout surpris qu'on soit descendus si vite alors qu'il croyait pouvoir engloutir sa tarte aux figues tranquillement. Après un rapide déjeuner, nous nous quittons, lui reprenant la navette pour remonter, et rejoindre ensuite Montpellier. A bientôt l'ami ! Pas de chance d'avoir eu des étapes si raides. Et merci pour l'échange de chaussures. Les miennes sont dans un état d'usure avancé, et vu qu'elles ne repoussent pas comme les sabots de Korrigan, cela tombe à pic, à défaut d'avoir pu trouver un cordonnier sur le chemin.
Nous repartons donc avec Korrigan sur le sentier des gorges de la Vis, puis après une baignade dans la rivière, nous remontons sur St Maurice de Navacelles, sur le causse du Larzac. A la fin de la montée, j'entends des grincements venant de mon Korrigan. Misère, le bât est cassé ! Un des morceau de bois à fendu, sans doute à cause d'un accrochage des sacoches dans des arbustes qui jalonnent le sentier. Pas de panique, tout se tient encore. Au village, je demande directement où je peux trouver quelqu'un qui a de la colle à bois, des vis et une perceuse visseuse. Un gars me répond qu'il a peut être ça chez lui. C'est effectivement le cas, et je passe une bonne heure à réparer le bât, cassé en 2 endroits, sur le bord de la route.
Au village, je croise une femme avec sa petite fille qui randonnent avec un âne de location. Bretonnes de St Brieuc ! Elles bivouaquent à la sortie du village, dans un pré bien vert. Je me joins à elle et nous partageons le repas du soir.
Suite de ce passage sur le Larzac le lendemain, chemins relativement plats, sec et rocailleux. Il commence à faire chaud, nous nous reposons à l'ombre dans une forêt le midi. Après 2h30 de pause, je repars, mais pas Korrigan. L'animal a décidé que l'ombre, c'est vachement bien. Il me faut une demi heure pour le remotiver à se bouger les fesses à une allure correcte. Pendant de longues heures, pas de point d'eau, il nous faut attendre 16h30 pour enfin atteindre un village, et nous abreuver à la fontaine. Korrigan se siffle un seau en entier (11 litres). Encore quelques kilomètres, et nous bivouaquons dans un champ au dessus de Lodève et entrons dans le Languedoc. Je décide de profiter d'une soirée sans orage pour dormir à la belle étoile.
Ce ne fût pas spécialement une bonne idée. Ce n'est pas la pluie, mais les insectes qui m'ont fait des misères pendant la nuit. Fourmis et moustiques principalement. Pour contrer ça, je n'ai laissé que le nez et la bouche dépasser du duvet, en me mettant de l'huile essentielle anti-insectes, mais rien à faire, je me suis fait sans arrêt chatouiller les narines.
Un peu fatigué le lendemain, on descend sur Lodève et quittons donc le Larzac. Ravitaillement, interview par le Midi Libre, café-internet, mais l'heure tourne, il est déjà 10h30, je reporte donc la mise à jour du blog pour pour ne pas repartir trop tard, en plein soleil.
Sur le chemin, je croise Vincent, pèlerin vers Compostelle, parti de Nîmes. On marche un peu ensemble, puis il décide de m'accompagne pour quelques jours, et suivre ma route alors que la sienne passe un peu plus au nord. Il doit la retrouver à Fraïsse sur l'Agout. Longue ascension sous le soleil, sans un poil d'ombre, puis nous trouvons enfin un pré avec des arbres pour la pause de midi. Le soir, nous arrivons sur les bord de l'Orb, pour un bain salvateur dans la rivière. Vincent trouve une écrevisse américaine qui constituera son repas du soir.
Le but du lendemain est le lac de l'Airette, qui me semble constituer un beau coin de Bivouac. La matinée est tranquille, beaucoup de cerisiers sur le chemin. J'en ramasse plus d'un kilo. Après Lamalou les Bains, nous commençons l'ascension du massif du Haut Languedoc. Heureusement, la végétation et le sols sont totalement différents des précédents jours. Grands arbres et pierres moins abrasives ont remplacé la garrigue et les cailloux pointus. Fatigués, nous renonçons à l'ascension du Caroux et également à rejoindre le lac. Nous décidons de prendre le goudron pour arriver à Douch plus rapidement. En chemin, on tombe sur un temple Zen. L'occasion est trop belle. On arrive, mais une séance de méditation vient de commencer. On patiente une plombe sous un arbre, tandis que la pluie s'invite pour quelques averses.
Enfin les portes du temple s'ouvre, et une colonne de gens en robe de moine bouddhiste en sort, le maître en tête. De loin, il nous regarde, a un grand rire sonore et nous salue de la main. C'est comme cela que nous sommes accueillit et pouvons planter la tente dans un pré. Nous avons de la chance nous dit on, ce soir, c'est la fête. Effectivement, nous prenons part au repas commun, avec pizza maison, salade et mousse au chocolat. L’ambiance est totalement différente du silence absolu pendant l'heure de méditation. Ça cause, ça danse, ça boît... Bref, c'est la fête. Enfin nous, nous allons nous coucher tôt, faut dire qu'on a quelques kilomètres dans les pattes.
Comme c'est la pleine lune, je voulais faire une étape de nuit. J'ai soumis l'idée à Vincent qui était d'accord. Finalement, avec cette soirée et la journée de la veille, nous y renonçons.
Heureusement ! La matinée du lendemain est sportive. Descente très raide depuis Douch, avec pas mal d'obstacles pour Korrigan. Je vois mal comment j'aurai pu me débrouiller en pleine nuit, à la frontale. Ca descente, ça remonte, ça redescend, les sentiers sont étroits. Eprouvant ! Courage, on arrive au lac, on va pouvoir y piquer une tête. En se rapprochant, on entend des bruits d'engins. La blague ! Le lac est vide, ils ont fait sauter le barrage la veille, et personne ne nous a prévenu. On fait donc une rapide pause, et repartons à monter, encore. Au hameau suivant, Vincent hésite à continuer l'ascension, ça ne l'interesse pas de monter et descendre sans arrêt. Finalement, vu qu'une fois arrivé en haut nous serons sur du quasi plat, il décide de continuer. La montée est une fois de plus bien raide, mais la vue tout en haut, au milieu des rochers, de la bruyère en fleur, est la plus belle récompense. Nous nous arrêtons au gite des Bourdils, où Francis nous fait un bel accueil. Personnage passionnant qui connait sa montagne et la nature s'y trouvant comme sa poche, boulanger de métier mais qui en été tient le gîte. Nous y faisons une bonne pause, Francis me donne de l'excellent pain fait par un de ses amis. A l'opposé de la matinée, l'après midi se fait sur du quasi plat, en crête, descendant doucement vers Fraïsse. Au Col de Fondfroide, nous rencontrons un voyageur à vélo qui nous fait une petit interview vidéo. Il fait le tour des massifs montagneux de France, et a déjà traversé l'Afrique en tandem avec son amie, en 18 mois. Bonne chance pour la suite !
Arrivés à Fraïsse, notre chemin se scinde avec Vincent, et Korrigan et moi continuons jusqu'aux Signols.
Buon camino Vincent, et merci pour ces 3 jours passés !
Les Signols, c'est là que nous nous étions arrêtés il y a 4 ans avec Korrigan, suite à sa blessure La boucle est bouclée, comme on dit...
C'est d'ici que j'écris, m'offrant un jour de repos après la journée éreintante d'hier. C'est un sacré plaisir de revoir cette famille qui nous a si bien aidé en 2009. C'est aussi une sensation étrange de revoir ces lieux, l’impression de reconnecter avec un passé pas si lointain finalement, mais semblant pourtant sortir d'une autre vie. Preuve que les choses ont changées, et tant mieux !
Demain, nous obliquons plein sud, en direction du pays Cathare, pour la dernière étape de ce voyage. Enfin ou déjà ? Je ne sais pas trop, la notion du temps se distord dans ce voyage.